Je n’étais pas triste dimanche, j’étais en colère. Oui parce qu’aujourd’hui là, le 6 décembre, c’est un jour un peu spécial pour moi, vous savez, ce satané putain de bordel de jour où on souffle les bougies. Et lui il clamse deux jours avant. C’est pas un cadeau ça. Non, vraiment pas.
La seule chose que je peux faire, c’est raconter ce qu’il m’a donné, le Marcel. Il m’a donné envie de dessiner pour de bon. Et pas qu’un peu, hein, plutôt dans le genre à passer des journées entières penché sur mes feuilles à gratter le crayon, gommer, non, mouarf, c’est moche, on recommence, allez, mais rhâââ, comment il fait ce Gotlib pour faire aussi bien ?
Ma mère m’a dit qu’un jour, après avoir lu des tartines de ses planches jusqu’à l’indigestion, je suis venu la voir et je lui ai dit « maman, je veux devenir dessinateur ».
Bon aujourd’hui, je ne suis toujours pas dessinateur (ça reste un loisir), mais l’intention y était.
Gotlib a pour moi compris comment unifier encre de Chine et feuille de papier à la perfection. Le type a atteint la substantifique moelle de ce qu’on peut transmettre par l’image. Ce mec est un bulldozer d’imagination, une explosion atomique de puissance du trait et des mots. Ouais, rien que ça. Il peut vous faire piquer un fou rire, vous faire pleurer, vous dézinguer un truc qui l’énerve, relever toute l’absurdité du monde tout en restant honnête, sincère, humble et attendrissant. Ce n’est pas rien.
Alors oui hein, ‘y en a plein d’autres qui savent faire ça. Mais lui c’était un peu celui que je préférais.
Maintenant, on va arrêter de se lamenter et se bouger le derrière pour continuer à bosser. Parce que ce n’est pas en pleurnichant qu’on mène les projets à termes et qu’on avance, sinon on finit dessinateur de presse autoproclamé à gribouiller des machins sans forme, sans style, sans vie, donc on ajoute un chat pour faire plaisir au public, parce que bon, internet aime les chats, quoi.
Quand t’es un gamin qui grandit dans un quartier dit « défavorisé », que t’entends à longueur de temps des adultes dire que tel copain est « en échec scolaire », « en difficultés », a besoin de « soutien scolaire », et que l’autre là, il ne fera jamais de longues études, que bon, déjà s’il arrive à avoir son brevet ce sera bien, ah et puis bon, il a des « difficultés de compréhension » puis quand même, celui-là c’est un « élément perturbateur », petit à petit, tu développes un truc, une espèce de sentiment de défi. J’étais bon élève, mais mes cancres de potes en prenaient plein la tronche.
On te lance ces mots comme si c’était tracé. Ben oui, après tout on fait partie de la classe prolétaire. Alors des années plus tard, quand on croise ces mêmes adultes et qu’on leur met leur bêtise devant la tronche en leur racontant ce qu’on est devenu et qu’on voit ce regard gêné, cette insatisfaction de prédicateur à deux balles, cette espèce de moue si caractéristique des adultes-je-sais-tout qui se trompent et se salissent le slip en prenant le retour de balle en pleine face, on jubile. Beaucoup.
Renvoyons cordialement dans des moissonneuses-batteuses ces gens-là.
Gotlib a montré qu’on pouvait devenir un grand artiste en partant de rien. Alors bon, si ça marche, pourquoi on ferait pas pareil, les copains ?
Je savais que tu dessinais admirablement bien mais je ne connaissais pas ton talent pour l’écriture. Gotlib aura sans aucun doute apprécié cet hommage.
Et oui joyeux anniversaire beau gosse.
Merci beaucoup ! Il m’arrive effectivement de me laisser aller et d’écrire plus que de mesure. Mais le crayon passe avant tout !
J’attendais cet hommage de ta part..
Une chose positif tout de même que ce grand auteur, malgré son enfance horrible (père assassiné, menace des rafles..) a eu ensuite une longue vie pleine de déconnades. RIP.
C’est ce que je me dis aussi. Maintenant, rendons-lui honneur en continuant de gribouiller sans relâche !
🙂
Merci dude